Le Web que je n’aime pas. (et une photo que j’aime)
De temps en temps je ressors mon chapeau grognon, celui qui trouve que vraiment, vraiment, ça ne va pas.
Celui que je porte quand je râle contre le non-respect du droit d’auteur, contre la multiplication en boucle des contenus, et contre le côté anecdotique, sans intérêt, “contenu jetable”, de beaucoup de productions web.
Ou comment la photographe PeiPeiperdit sa photo (la présence de ce lien c’est juste pour lui donner un backlink qui sera sur toutes les listes d’articles de ce blog… mais attendez la suite avant de cliquer).
Tout commence donc avec la revue de web 87 du blog du modérateur.
Revue intéressante, qui liste dans les billets détente un truc qui parle d’escaliers.
Je vais voir, et je tombe sur une photo impressionnante, d’escaliers creusés dans la pierre à la verticale. Un truc hors-norme, mais c’est où donc ça ? Je suis peut-être anormalement constituée, unique en mon genre, mais quand je vois un escalier comme ceux que vous apercevez en bas de ce billet, j’ai envie de savoir le pourquoi du comment.
Mais rien sur le blog, qui n’est me semble t il qu’un aggrégateur.
Un petit clic droit, et comme j’ai le plugin TinEye installé, je découvre … trois pages de liens reprenant cette page à l’identique. Chic, me dis-je, je vais savoir où c’est.
Je sais, car j’ai du attendre la deuxième page sur trois, et que j’ai trouvé la photo d’origine, sur Flickr (copyright PeiPei Ketron).
qu’il s’agit d’escaliers gravés dans la roche, en Chine, Hua Shan, province de Shaanxi Province, China. Qu’il y a des femmes qui vendent des gants aux touristes, pour qu’ils puissent utiliser ces escaliers en s’accrochant aux chaines, que Penelope a eu peur de prendre l’escalier de droite, et qu’elle s’est contentée de celui de gauche, qui fait des détours, et qui est moins abrupt. Elle explique aussi qu’elle a mal cadré les pieds, mais qu’elle était fatiguée, et qu’elle s’est contentée de son petit compact, ayant la flemme de sortir de reflex (et franchement, faire une escalade comme ça déjà crevée, chapeau).
Et puis en bas de son texte, je trouve un lien vers son site, PenelopesLoom, où je découvre qu’elle s’appelle PeiPei Ketron, qu’elle est née à Taiwan, qu’elle a passé son enfance dans une réserve Navajo en Arizona… et qu’elle fait des superbes photos !
Mais voilà, un jour un petit con a vu une photo “marrante” sur Flickr ou autre, et, bien qu’elle soit “All rights reserved“, il a juste fait un copié – collé, et montré une “photo marrante”, qui a commencé à faire le tour du web sur ces aggrégateurs qui tournent en boucle, au milieu de publicités, des photos de nanas bourrées et inconscientes, des photos “so cuuuuuuuuute” de bébés animaux, et des superbes images de très grands photographes sortis de leur contexte, en enlevant toute chance (ou presque, merci TinEye) à PeiPei de simplement bénéficier d’un peu de pub pour son site, en enlevant toute chance à la plupart des gens de jamais savoir où sont ces escaliers insensés.
En théorie, je n’aurais pas le droit de vous montrer cette image moi même, d’ailleurs… mais bon, j’ai l’impression que je ne porte pas tort à l’auteur.
Pour la petite histoire, cette photo a été prise en 2007, et uploadée sur Flickr en juin 2008. Elle tourne donc sur le web depuis au moins un an et demi. Les 24 copies que Tin Eye a trouvées sont sans doute une infime part des copies diffusées (Tin Eye c’est bien mais la base indexée est très faible).
J’ai un site “aggrégateur d’images” dans mon flux, il s’agit d’AcidCow. 99% des auteurs ne sont pas citées. Heureusement, j’arrive à retrouver les sources pour plus de la moitié d’entre elles. En plus de l’oubli de l’auteur, je n’aime pas cette consommation boulimique d’images, sans contexte, sans explication, sans information. Le degré zéro de l’information, en quelque sorte.
A côté de cela, il y a The Big Picture. Chaque image est sourcée, légendée, les images présentées sont de qualité superbe. Normal, c’est le site d’un journal. Fait par des pros.
Mais je crains que la fréquentation soit bien moindre.
“Amis blogueur”, “amis twitteurs”, “amis facebookiens”, le retweet, la reprise de post, le “partager” c’est bien… (et j’aime bien le partager de Facebook, justement, qui renvoie toujours à la publication d’origine), mais bon dieu, vous ne pensez pas qu’un peu de vous même en plus, un zeste de valeur ajoutée, ce serait encore mieux ?
tout à fait d’accord sur le fond et joli travail de recherche. Par contre je ne comprend pas la contradiction consistant à republier la photo sans autorisation ? Son mail est dispo sur Flickr et elle est visiblement active puisque des photos ont été postées aujourd’hui …
Je ne connaissais pas The big picture. C’est vraiment somptueux ce qu’on trouve sur ce site !
Entièrement d’accord avec l’analyse effectué, mais le problème du droit d’auteur est extrêmement complexe, surtout dans un contexte international. Le droit d’auteur n’est pas le même en france qu’a Taiwan, ou dans les autres pays.
Par contre, un des moyen de se protéger est d’incruster directement dans l’image l’auteur. Comme tu le dit, l’image est souvent copier tel quel, personne ne retravaille l’image. L’information est donc propagé.
Au passage j’en ai profiter pour lire les pages relatives au droits d’auteurs, que j’ai trouvé très juste et bien argumenté. Je ne la remet aucune en question.
Ceci étant dit, ma question relativement simple, c’est simplement pourquoi mettre des liens pour rendre justice en “nofollow” ? C’est pour le moins paradoxale.
J’expliquais dans un article sur cette relation que supprimer cette relation est le seul moyen de rendre au contributeur d’un site, au auteur des images cités, ce qui fait l’essence du Web : un vrai lien.
Tout à fait d’accord sur le fond, mais j’ai juste un petit commentaire sur une partie du message :
« Chaque image est sourcée, légendée, les images présentées sont de qualité superbe. Normal, c’est le site d’un journal. Fait par des pros. »
En fait, pour m’intéresser à ce sujet moi-même, j’ai plutôt l’impression qu’il n’y a pas de franche corrélation entre l’aspect amateur et le respect du droit d’auteur.
Par exemple, les bénévoles œuvrant sur la médiathèque de Wikipédia (Wikimedia Commons) sont des connaisseurs extrêmement pointus et pinailleurs du droit, des licences, de la citation, etc. À l’inverse, je ne compte plus les journalistes professionnels abusant de la mention « droits réservés ».
Il me semble certes y avoir un véritable découpage entre d’un coté ceux qui connaissent un peu le droit d’auteur et ont à cœur de citer leurs sources et de l’autre ceux qui n’imagine même pas que ça ait un intérêt. Mais cette séparation ne me parait pas se faire sur la simple qualité de « professionnel » ou « d’amateur ».
Comme on dit sur Wikipédia : « référence nécessaire » :-)
C’est un vrai problème en effet. Le problème commence aussi dès la première reprise sans mention : si ta source n’identifie pas l’auteur, alors tu auras plus tendance à la reprendre sans la chercher… Et commence alors une longue traine de reprises non créditées !