L’année de la vie privée

Cela fait longtemps que je répète souvent, dans ce blog et ailleurs :
la gratuité sur internet est une fausse gratuité, elle est financée par des atteintes à la vie privée qui alimentent les bases de données publicitaires – et qui pourraient éventuellement être pires plus tard
- au sujet de la presse en ligne
- au sujet de la presse et le web
- au sujet de WordPress et Akismet
- comme phénomène lié au piratage
Avec dans mes brouillons, depuis longtemps, faute de temps, un article sur les différents modes de financement d’internet (publicité, fondations, sponsoring).
Je vous recommande donc chaudement l’article de Christian Nitot sur Google et Facebook dans le collimateur du public.
Google a toujours appliqué la stratégie de la grenouille au bain-marie. On fait monter peu à peu la température, mais si progressivement que personne ne se rend compte de rien. De temps en temps, le monde du Web est un peu choqué, comme avec le lancement de Chrome, mais cela reste globalement circonscrit à un monde de technicien, de gens éclairés – et de gens qui, bon gré mal gré, utilisent tous les produits Google.
Même quand Google est monté au créneau en disant, par la voix de son PDG, Eric Schmidt, que si vous vouliez faire quelque chose que vous ne vouliez pas voir public, mieux valait s’en abstenir. Ânerie qui avait déjà fortement fait réagir Christian Nitot (et pas Mozilla).
Facebook est allé encore plus loin, et beaucoup plus violemment. En changeant d’un seul coup sa politique de vie privée, il a rompu le contrat qui le liait à ses utilisateurs, le principe de base de Facebook. Avant on ne montrait ses données qu’à ses pairs, aux membres de son réseau, avant il fallait avoir une adresse mail d’une université pour pouvoir être membre de ce réseau, etc…
Dans la recherche d’une rentabilité, Facebook se dirige vers des publicités ciblées, grâce à un profilage extrême. Et c’est cela, et pas une volonté de coller à des soi-disant normes sociales, qui leur a fait changer leur fusil d’épaule.
Seulement, changer brutalement les conditions d’utilisation d’un service aussi répandu, cela se voit, et cela soulève des interrogations. La grenouille pourrait bien être en train de sauter en dehors de la casserole….
Il est intéressant d’ailleurs, de voir que ces problématiques sont apportées par des sociétés américaines. Pas seulement parce qu’elles sont au top de la technologie, mais parce que la pratique de la vie privée y est très différente de la pratique européenne. Que cela soit dans les jardins ouverts, dont on ne peut pas imaginer de cacher les pelouses et les occupants par des haies, ou dans des législations qui vont très loin dans la vie privée, régissant dans certains états les relations sexuelles entre adultes consentants et même mariés, et levant des interdits dignes d’états totalitaires, même en l’absence d’attentat à la pudeur.
Et que d’un autre côté, ce soit l’Allemagne qui menace la première de réagir sur le plan légal, pays où l’expérience nazie avec ses fichages généralisés, puis celle de l’Allemagne de l’Est, a rendu la vie privée un bien extrêmement précieux.
L’image qui illustre cette article est sous creative commons :