Référenceur ou chef d’entreprise ?
Un sujet plus business pour ce billet du jour dans la série #back2blog et qui touche une problématique qui concerne quasiment tous les freelances ou les responsables de TPE, qu’ils soient référenceurs ou pas (mais ici on parle plutôt de ref).
Il y a une énorme différence entre un savoir-faire technique, un savoir-faire commercial, et un savoir-faire administratif. Et quand on travaille à son compte, il faut les trois. Alors que dans une entreprise, ces savoir-faire sont souvent répartis sur plusieurs personnes, plusieurs services, l’individuel qui se lance, quelle que soit la forme juridique, doit pouvoir faire tout tout seul, sauf si il a un budget consulting extensible – ce qui est rarement le cas.
Dans ma vie précédente, j’ai travaillé en cabinet d’audit et j’ai été D.A.F. d’une filiale de 150 personnes. J’ai donc la chance d’avoir été sensibilisée à tous ces aspects, d’en maîtriser certains, et d’avoir le réflexe de la m… potentielle pour les autres.
Mais je croise énormément de gens qui ne sont pas dans ce cas là, et qui prennent des risques énormes, dont ils ne se rendent compte que trop tard.
Bref, si vous croyez que vous êtes référenceur ou webmaster, vous êtes aussi en même temps :
Responsable Juridique
Vous devez savoir faire un contrat avec un client. Définir votre prestation, et surtout limiter votre responsabilité. Définir les obligations de votre client. Pour vous deux, définir les pénalités (ou pas), le transfert de propriété intellectuelle sur vos travaux, limiter l’étendue des clauses de confidentialité qu’on va essayer de vous imposer, éventuellement définir la tâche et l’implication de sous-traitants externes, et dans quelle mesure vous pouvez être tenu responsable de leurs éventuelles erreurs.
Contrôleur de Gestion
C’est une des questions que les débutants posent le plus souvent sur les forum : “Combien je peux facturer ?”. Si la réponse est toujours liée à votre compétence, aux tarifs de la concurrence, et d’une façon ou d’une autre, à votre temps passé, arriver à un montant correct implique pas mal de choses :
- un compte d’exploitation prévisionnel, pour avoir une idée du chiffre d’affaires nécessaire pour éponger toutes les charges (y compris votre rémunération) et vous laisser un bénéfice suffisant pour réinvestir, vous former, avoir un petit matelas pour faire face aux imprévus, et financer votre croissance (le moment où on embauche son premier salarié modifie totalement la façon de travailler… et coûte leur existence à quelques micro entreprises)
- un suivi de vos coûts, en différenciant ce qui est imputable à un client spécifique, et qui doit normalement lui être refacturé (si le contrat que le Responsable Juridique a préparé le permet), et ce qui est des coûts d’ordre général ou administratif, comme une licence AWR ou Ahrefs, vos propres sites webs, sur lesquels vous vendez peut être des liens, etc…
- un suivi de vos temps, le plus précis possible. Personnellement j’utilise Fanurio, que je trouve un bon outil pour sa souplesse d’utilisation, son faible coût et la gamme des informations qu’il donne. L’objectif est tout simplement de savoir si vos estimations de temps sont justes, et, si elles ne le sont pas, de pouvoir argumenter un éventuel dépassement avec le client
Chef de Projet
Le rôle de Chef de Projet est ingrat. On a un projet à livrer, à une date, pour un temps de travail donné. Il y a plusieurs intervenants, dont le client, qui doit donner des informations, valider des maquettes, etc.
Le Chef de Projet est là pour suivre son diagramme de Gantt, vérifier que tout se fait bien dans les temps, et botter le cul, diplomatiquement mais fermement, de ceux qui traînent.
C’est un métier, et il est rare que le client le maitrise. C’est donc au fournisseur de jouer ce rôle, ce qui lui permet de border le client pénible, celui qui veut sept maquettes au lieu d’une seule, traîne pendant trois semaines pour envoyer cinquante textes qui devraient apparaître sur son site deux heures après, ou rajouter des choses à faire qui n’ont été inscrites dans la propal que dans ses rêves.
Si le Chef de Projet a un bon Responsable Juridique, celui ci a pensé à mettre dans le contrat que le solde à la livraison était dû de toute façon à telle date, même si le site n’était pas prêt du fait des retards du client.
Et pour arriver à motiver fermement le client à prendre cette clause en compte, le Chef de Projet s’ennuie à faire des to-do list, des suivis avec des dates… ça évite d’avoir un projet jamais fini, sur lequel on n’arrive pas à se faire payer.
Directeur Commercial
Trouver des clients n’est pas toujours simple, de très bons techniciens détestent partir à la pêche du client. Trouver les bons clients est encore plus difficile. Or c’est vital pour sa survie.
Un bon client par définition est :
- solvable : combien d’entre nous pensent à vérifier cela, et à jeter un coup d’oeil aux derniers comptes disponibles ?
- durable : entre un projet one-shot et un projet qui va se prolonger par des mise à jour, une appli facebook, un deuxième site, le second est préférable, même si il rapporte un peu moins
- pas trop important : dès qu’un client représente plus de 30% de votre chiffre d’affaires à lui tout seul, vous êtes en danger au cas où il arrête de travailler avec vous
- pas envahissant : bien que je sois très disponible, j’apprécie assez peu les clients qui me contactent systématiquement après dix heures du soir. Une fois de temps en temps, quand il y a un décalage horaire et une urgence, oui, mais pas à chaque fois que vous me voyiez sur Skype
- pas concurrent : non je ne vous référencerai pas si vous faites exactement la même chose que moi, ou que mon mari – et je ne fais pas que des sites webs, j’ai quelques projets personnels à côté
- curieux : entre le client qui ne comprend rien et celui qui cherche à comprendre, le premier apparait au début plus facile à gérer, mais en réalité c’est lui qui, à la fin, va vous exaspérer à vous demander la preuve que vous l’avez inscrit dans Google
- intéressant, mais ça c’est la cerise sur le gâteau…
Comptable
C’est sans doute la fonction qui peut le plus facilement s’externaliser. Pourtant, de même que je vous recommande “le client qui cherche à comprendre”, vous travaillerez un peu mieux avec votre comptable si vous cherchez à comprendre les bases de son activité, les mécanismes de TVA, ce qui est déductible ou pas.
Si vous êtes ordonné, et que vous lui apportez les justificatifs bien classés, triés, listés sur une feuille Excel, il vous facturera sans doute moins cher que si vous lui déposez un gros paquet de papiers froissés trois heures avant la date limite de votre déclaration.
Et puis comme c’est généralement vous qui faites les factures, offrez vous une mini formation. Vous apprendrez par exemple que lorsque vous facturez une entreprise, c’est mieux de vérifier qu’elle existe, et donc de disposer d’un numéro SIRET que vous aurez validé sur le site d’infogreffe, sinon ça s’appelle de la fausse facture. Vous comprendrez aussi la subtile différence entre une facture et une note de débit (pas de TVA ni d’autres taxes sur le chiffre d’affaires), etc.
Et si vous n’externalisez pas, pensez vraiment à tout….
Service Formation
Il y a l’autoformation en bullant sur internet (le chef ne lit pas ses flux rss, il se documente), et puis la vraie formation, généralement un investissement important pour un indépendant. Le contrôleur de gestion vous susurrera que vous devez y consacrer en moyenne 10 à 15% de votre temps pour vous maintenir à la pointe de la technologie, et le Chef de Projet vous demandera en permanence de la reculer pour livrer le projet en cours à temps.
C’est tout simple : ne l’oubliez pas. Faites vous un plan de formation, en incluant tous ces aspects… et suivez-le !
Autrement dit, une TPME est avant tout une Entreprise. Le E est essentiel, et l’indépendant qui oublie tous ces aspects de son activité, ou qui les déteste, aura beaucoup de mal à survivre.
(Pour back2blog, vous aurez eu deux billets aujourd’hui, certes, mais disons que j’ai travaillé fort tard cette nuit, mes jours sont un peu décalés avec les vôtres… ah oui j’oubliais la fonction de Délégué Syndical, pour vous empêcher de trop bosser !)
Bonjour,
Grande prouesse et souplesse d’esprit que le chef d’entreprise doit avoir comme capacités. Et de nos jours, le défi est d’autant plus grand que la réglementation sociale, juridique et fiscale change rapidement, de même que sont les usages et nouveautés technologiques. Que l’on soit effectivement chef d’entreprise en tant que auto-entrepreneur ou sous le statut d’EURL, le “freelance” doit idéalement avoir plusieurs qualités pour réussir dans son aventure. Je vous livre dans cet article, 5 qualités qui nous semblent indispensables pour bien démarrer dans la vie de l’entrepreneuriat :
Bonne chance à tous !
Très bon billet, et il n’y a pas l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette pour qu’il concerne tous les patrons de TPE, quelque soit son métier.
Globalement, il faut aussi s’enlever de la pression et se dire que de toute façon on ne peut pas être bon dans tous les domaines… et que c’est tant mieux comme ça ! Bon, c’est vrai, faut quand même faire le minimum de ce qui nous barbe … ou avoir un associé très complémentaire :-)
Cet article est criant de vérités !
Étant moi même exactement dans ce cas, je me retrouve dans tous ces points.
Par contre j’ai la chance d’être épaulé pour le point le plus risqué à mes yeux, l’aspect juridique. Avoir une compagne juriste ça aide vraiment beaucoup !
La partie compta, j’ai essayé la première année et vu le temps que j’ai passé à m’arracher les cheveux, j’ai vite externalisé ! Ca fait gagné un temps fou, temps que je peux utiliser pour faire créer de la richesse.
Pour les autres points, il faut savoir jongler entre tout, et avec le temps on arrive à se former sur ces différents métiers…
Plein de vérités dans ce billet, après je ne pense pas qu’un patron puisse avoir toutes ces casquettes, il faut qu’ils s’entourent (comptable, …)
Je pense comme toi que la rédaction d’un contrat est primordiale, après les contrats type ne fonctionnent pas et c’est très long de les faire à chaque client mais pour se protéger il faut le faire …
On sent le vécu dans tes propos. A mon niveau et travaillant seul dans mon entreprise, je me retrouve souvent à avoir une multitude de casquettes.
Et par la force des choses, tu es obligé de toucher à tout quand tu ne peux pas déléguer certaines tâches. Moi qui suis un ancien comptable, je continue de m’en occuper. Pour le commercial, j’ai appris sur le tas car je n’ai pas eu le choix.
Bon billet comme toujours de ta part. ;)
Merci :)
Du vécu chez moi et chez les autres…
C’est drôle, en me relisant je m’aperçois que j’ai moins développé sur l’aspect juridique, alors que c’est un des plus importants, en fait.
C’est exactement ce que je fais tous les jours, chef d’entreprise, secrétaire, femme de ménage, gérant, comptable etc…
Je me plains pas j’aime ça même si c’est pas évident tous les jours.
Sympa l’article et oui, le coté juridique n’est pas à mettre de côté, il y en à trop qui se plante à cause de cet aspect trop souvent oublié ou négligé !