La presse française entre Charybde et Scylla
Il est extrêmement important de bien choisir ses ennemis (plus encore, peut être que ses amis), et malheureusement, de ce point de vue, la presse française semble avoir tiré à la courte paille et choisi le pire. Retour sur une tragédie grecque (à cause de Charybde et Scylla) en trois actes.
Acte I : la presse papier se meurt
Il y a bien des raisons qui peuvent l’expliquer, mais en gros, pour résumer, la presse, et particulièrement la presse française, n’a pas su négocier l’arrivée du numérique. Contenus non adaptés, retard à la création de vrais portails adaptés au média, et vision très “papier” de la version online, stratégie de prix ne prenant pas en compte les différents médias…. plein de raisons expliquent la lente descente aux enfers de la presse papier, dans le monde entier et particulièrement en France.
Si les magazines arrivent encore à tirer leur épingle du jeu, avec des contenus “de fonds” finalement peu adaptés au Web, si des quotidiens prestigieux, comme Le Monde (aussi assez peu adapté au Web, il faut être honnête) survivent, partout, les tirages sont en baisse, les formats rétrécissent, et les articles se raccourcissent peu à peu, pour s’adapter à un lectorat de plus en plus zappant.
Cahin-caha, plutôt de mauvais gré, la presse va sur le web, et essaye de monétiser ses contenus. Des “pur players” nés sur le web, souvent alimentés en contenus gratuit (comme le fameux Huffington Post), rarement payants (comme ASI) font concurrence aux éditions numériques des journaux.
Vous lisez Le Monde en ligne vous ?
Acte II : la presse (française) attaque Google
Après des débuts qui lui semblaient prometteurs, et qui lui laissaient espérer une facile compensation de ses revenus papier par de la pub en ligne, la presse découvre d’affreuses vérités :
- la pub papier a un impact qui ne peut pas se mesurer directement facilement, à la différence de la pub en ligne, pour laquelle on peut mesurer les clics de façon précise, les clients sont donc assez exigeants, et les budgets fonctionnent sur une logique de rentabilité directe, et pas comme pour des “campagnes d’image”
- pour encaisser de l’argent, il faut avoir des visiteurs, il faut donc être bien référencé
- pour être bien référencé, il faut avoir des bons contenus, que le visiteur peut lire sans payer, ce qui diminue encore la rentabilité de la chose
- les bons contenus qui correspondent à de courtes informations sont souvent visibles dans le snippet de Google, et finalement l’internaute a son information sans aller sur le site, et sans cliquer sur les pubs.
Donc finalement, les revenus ne sont pas “si tant que ça” là.
Damned !
La presse va donc tenter quelques bras de fer avec Google “je te retire les contenus si tu ne me les paye pas” (comme ça on s’en fout si personne ne clique sur nos pubs).
Google est tellement impressionné par cette menace qu’il retire lui même les contenus de la presse belge. Quelques jours après, celle ci vient promettre de ne plus jamais menacer de quoi que ce soit, pourvu qu’elle soit réintégrée dans les résutlats de recherche. Le poids de la vérité affreuse n°2 était trop fort…
Le changement de gouvernement en France, les mécontentements de l’Europe face à Google, les soucis de l’Allemagne concernant la protection de la vie privée incitent la presse à avancer masquée derrière ses gouvernements.
Si de pauvres journaux individuels ne font pas le poids face au géant américain, le coup de poing étatique serait il plus efficace ? Et voilà que ressortent des projets de faire payer à Google des droits d’auteurs sur les contenus utilisés et affichés dans les SERPS.
Au passage, je suis, selon la loi française, un auteur. Mon droit moral est inaliénable, et je n’ai pas, jusqu’à maintenant, aliéné mon droit patrimonial au profit de l’état français. Donc si celui-ci taxe Google pour financer la presse, il aura intérêt à me reverser ma quote-part pour les requêtes sur lesquelles mes sites apparaissent.
Juste pour montrer l’absurdité de cette loi.
La presse se dit que Google ne peut pas totalement la déréférencer, et puis de toute façon, maintenant elle peut se vendre autrement, et qu’elle commence à trouver un bon lectorat, disposé à payer, sur les tablettes et autres smartphones.
Acte III : le Ninja à la pomme tire un coup de Jarnac
Je pense cependant que la presse française va refaire les yeux doux à Google.
En effet, aujourd’hui, Apple a fermé la nasse du filet dans lequel les journaux sont entrés, volontairement, en arrivant sur l’Apple Store.
En augmentant unilatéralement les prix de vente des journaux européens, sans préavis, en rendant de la sorte leur version papier moins chère que leur version web, Apple a mis en évidence ce que les journaux peuvent faire quand ils se trouvent dans l’Apple Store : R I E N
Oh bien sûr, ils ont droit de vendre directement les abonnements à leur publication, sur leur propre site, sans passer par l’Apple Store, mais…. ils n’ont pas le droit de mentionner cela sur leur appli Iphone. Genre le lecteur trouve ta page d’abonnement quelque part, par hasard, d’accord, là il peut souscrire sans payer la comm de 30% à Apple, mais déjà, il faut qu’il trouve. Et surtout…. le prix proposé sur l’Apple Store doit être le plus bas qu’on puisse trouver, “commission Apple incluse” (30% quand même).
Genre… Androïd store décide de faire une grande promo, et d’abandonner sa commission, pour une semaine. Et cela fait 30% de réduction. Le journal doit répercuter la même promo sur le prix Apple Store, tout en lui payant toujours la commission (donc diminuer sa marge).
Et quand Apple décide d’augmenter les prix à cause du taux de change euro / dollar comme il vient de le faire, en mettant l’édition numérique plus chère que l’édition papier ? Eh bien les journaux devraient répercuter cette hausse sur tous les supports où ils sont en vente !
La conclusion : des journaux américains en ont assez de l’Apple Store, et investissent fortement dans leur version HTML5, pour se passer de ce dernier, et être accessibles simplement par un browser.
Mais dans cette configuration, pour vendre des abonnements, il faut attirer le lecteur… et être référéncé !
(Billet 4 / 10 de #back2blog )
Bonjour, ML,
J’introduirais tout de même deux remarques dans ce post, à ta place:
1- la presse papier (notamment ‘ principalement nationale) est sponsorisée à hauteur de 20% via des subventions d’état, en tout cas en France. La PQR aussi, mais à mondre titre
2- la presse internet ne touche aucune subvention…. même si elle appartient à la PQN (cf. 1)
Guillaume tu n’as pas tord mais en fin de compte ça ne change pas grand chose à la finalité de l’article.. Enfin ce n’est que mon avis.