L’identité d’un blog – le cas d’école Casawaves
L’identité d’un blog est un gros facteur de succès, et pourtant, il est difficile de définir a priori ce qui va la constituer.
Entre un blog purement d’entreprise (nos produits, point barre), un blog purement personnel (mon chat, mon mec) et un blog entre les deux, ce que j’appellerais un blog de professionnel (catégorie dans laquelle je range celui ci), il y a tout un éventail de possibilités et de mélanges. Les sujets, le ton, les besoins d’anonymat seront différents… et appelleront des lecteurs différents.
La modification d’un de ces paramètres est toujours une étape délicate. Les lecteurs fidèles vont-il s’y faire ? Et sinon, les nouveaux lecteurs compenseront-ils les anciens ?
Blog d’entreprise ou blog d’entrepreneur ?
Attention à ne pas concentrer la “marque” sur sa personne.
Je regrette de ne plus retrouver la source précise de ce conseil, trouvé sur une des vidéos de Going Solo, qui avait été organisé par Stéphanie Booth.
C’est un point essentiel.
Au début, pour un indépendant ou un consultant, les deux sont confondus. Mais si l’on souhaite grandir, développer son activité, travailler en coopération avec d’autres, ou engager des collaborateurs, on risque de se retrouver enfermé dans un piège, celui d’avoir trop confondu son activité avec sa personne. Les clients ne souhaitent pas avoir d’autre interlocuteur que vous. La croissance est limitée par votre capacité à travailler au delà des 35, 40, 70 heures par semaine…
L’autre risque, aussi important, est que votre personnalité fasse obstacle à certaines opportunités. Il ne s’agit pas là de mentir sur soi, et – surtout pour des relations de consulting – la personnalité a son importance.
Cependant, certains aspects sont à mettre de côté. Il y a le business, il y a les opinions politiques, il y a la vie personnelle. On peut rester discret, sans pour autant se trahir.
C’est l’option que j’ai prise : je blogue “perso” sous mon nom, mais de façon séparée. Le prospect, le fournisseur qui souhaite mieux me connaitre peut le faire, mais je n’affiche pas cette partie de ma personnalité dans mes blogs d’entreprise. Et quand il s’agit de l’agence de voyage au Maroc, je blogue sous “la marque” et pas en tant que Marie-Aude.
Il est tout à fait possible, même courant, de travailler avec des gens qui ne partagent pas vos opinions. A vous de faire la balance entre la nécessité de parler de ce qui vous tient à cœur, et la nécessité, pour votre activité, et pour les salariés de votre entreprise, d’avoir de nombreux clients.
Ainsi, sur Mezgarne, si le blog nous permet de renforcer notre dimension de tourisme éthique et solidaire, qui correspond aux types de voyages que nous proposons, nous ne parlons pas de politique marocaine, sauf exceptionnellement, et sans engagement.
Les thèmes d’un blog
Le blog d’une personne est souvent plus varié comme thématique. “Moi, mes chats, ma vie, ma maman, mon boss, mes copines, la dernière émission de télé…”, mais le ton est unique. On suit une histoire, un feuilleton.
Un blog d’entreprise est centré sur des thèmes, des produits, des conseils, un savoir faire, une compétence.
Ainsi Lumière de Lune – déjà un peu hétéroclite, il est prévu, à moyen terme, de séparer photo et web – ne vous raconte que de façon très accessoire mes pérégrinations marocaines, juste pour justifier certains de mes silences, ou pour montrer un reportage photo.
Et la Gazette du Chergui ne parlera de photo que pour vendre nos circuits photo au Maroc, mais utilisera largement ma production, pour vendre le Maroc.
Le changement de thème est un exercice périlleux, les lecteurs fidèles peuvent partir assez rapidement, si ils ne protestent pas lourdement dans les commentaires. La transition, qu’elle soit brutale ou progressive, va perturber le lectorat. Imaginez vous acheter Libération avec le texte de Rustica ?
J’ai longtemps participé au contenu de Casawaves, dont le slogan était “vivre et travailler au Maroc”, et puis je m’en suis éloignée, quand il s’est focalisé sur le “travail et finances”, alors que je m’orientais plus sur le “vivre”.
Identité et image : le cas d’école de Casawaves
Aujourd’hui, la nébuleuse des sites Casawaves, comme le dit Laurent, représente environ 80.000 vu / jours.
Elle comprend :
- Blogwaves, qui fut le premier blog, “Entrepreneurship, China, Morocco, Music” et dont le “title” montre bien sa fonction de filet attrape-prospect pour l’activité immobilière “Immobilier Casablanca”. Les premiers articles datent d’août 2004. C’est par ce blog que j’ai connu Laurent. Aujourd’hui je ne le lis plus, il est simplement surveillé dans mon aggrégateur, car tous les articles qui s’y trouvent sont des crossposts d’autres blogs. Le nom de domaine est simplement alimenté avec du contenu renvoyant vers les autres planètes de la nébuleuse, sans doute pour continuer à soutenir le crawl par Google, et sans doute aussi pour donner des pistes à ceux qui arriveraient sur Blogwaves en suivant de vieux liens. Il y a environ 750 pages indexées par Google.
- Casavisa, le site de l’agence immobilière. Un site professionnel classique, celui qui génère les profits, pas de blog, Laurent n’apparaît pas, le site a une familiarité graphique avec les autres, mais sans plus. Il est largement linké sur tous les blogs, et il présente quand même en page d’accueil un lien vers Casawaves. C’est la planète la plus externe, mais aussi celle qui bénéficie le plus de l’effort de linking de la part du reste des sites.
- Casawaves, le blog principal. C’est sur ce nom de domaine que l’activité de Laurent a été la plus intense au cours des années passées. C’est aussi celui qui porte “la marque”, au sens strict du terme, puis Casawaves est une marque déposée à l’INPI. C’est sur Casawaves que sont postés la plupart des articles ensuite cross-postés sur d’autres blogs, c’est aussi celui qui va être le plus modifié, puisque le contenu va en être éclaté en trois sites, dont seulement deux sont en ligne en ce moment (mais ça bouge vite chez Laurent)
- Le Magazine Casawaves, tout nouvellement créé, reprendra l’ensemble des thématiques société, artistique, emploi, économie, étaient jusqu’à maintenant dans Casawaves.
- Tout ce qui a une thématique très personnelle passe sur un nouveau blog (mais le même look), Laurent Bervas (la thématique personnelle étant accentuée par l’utilisation du nom de domaine). Ce blog s’était ouvert en janvier 2008, en se présentant comme la continuité de Blogwaves.
- Le blog du Magazine, pas encore en ligne.
- Tout une série de “blogs” avec des noms de domaine tournant autour des différentes activités de Casawaves, Casawaves-events, Casawaves-jobs, Casadreams, et Casawaves.biz, tous des noms de domaines tournant autour des différentes activités actuelles et futures de Casawaves, tous avec la même charte graphique, tous avec à 95% (voir 100%, je n’ai pas vérifié), des articles crosspostés à partir de Casawaves, tous enfin très peu alimentés.
Nébuleuse contre site unique ?
Backlinks vs. duplicate content
La nébuleuse de sites a un avantage certain en termes de référencement : elle permet de générer un nombre de backlinks assez monstrueux. Et donc de booster le référencement de chacun des sites cibles.
Un bémol à cela : les algorithmes googliens semblent aujourd’hui parfaitement détecter ce genre de nébuleuse, et accorder un poids beaucoup plus faible à ce type de liens.
Et toujours d’un point de vue référencement pur, la nébuleuse à la Casawaves génère un duplicate content assez important, même si aujourd’hui les articles “crosspostés” renvoient vers le site d’origine (une accroche sur un site, par exemple Blogwaves, renvoie vers Casawaves).
Le poids des liens in-texte est aussi diminué par la similarité des ancres.
Utilisateur perdu…
Je parle là pour moi, et je ne suis peut être pas douée, mais j’avoue m’y perdre un peu. Mon agrégateur est assez fourni, et j’ai dans mon Netvibes un onglet “purgatoire” ou “période d’essai”, où je mets les nouveaux flux, quand un article m’a intéressée suffisamment, sans que je sois certaine que le blog va tenir la longueur, ou bien où je relègue un blog quand il ne me passionne plus. En pratique, tous les blogs de cette nébuleuse s’y trouvent, sauf Casawaves, qui me suffit pour savoir la majorité de ce qui se publie.
Laurent balance entre une vision globale (Casawaves, avec des sous rubriques identifiées par des codes de couleur) et une vision spécialisée (Le magazine, le blog personnel), mais les sujets se retrouvent partout.
Suivi statistique
Il est possible dans Google Analytics de suivre les visiteurs venant sur un ensemble de sites.
Dans le cas de la nébuleuse Casawaves, les trackers Google Analytics, quand ils sont là, ne sont pas tous identiques.
Cela veut dire qu’il est impossible aujourd’hui d’avoir une vision globale des visiteurs uniques, du bounce rate, de la fidélité des lecteurs, du nombre de pages réellement vues, etc.
Car un visiteur lisant l’interview de Philippe Valera sur Casawaves à partir du cross-post sur Casawaves events se verra comptabilisé deux fois comme visiteur unique.
Ce qui n’est pas gênant pour des sites persos devient plus problématique quand on met en place un magazine qui a vocation à rentabiliser son audience. Même si ces corrections sont mises en place dès aujourd’hui, il faut compter environ trois mois pour un historique fiable
Site unique, deux sites, trois sites ?
En laissant de côté l’agence immobilière, un site unique aurait eu l’avantage de l’unicité de l’information, et de drainer tous les visiteurs sur un nom de domaine.
En revanche, comme on l’a aussi fait remarquer à Laurent, il n’est pas toujours souhaitable d’exposer autant sa vie privée et son affect sur un site pro, notamment pour se protéger.
Avec deux sites, en séparant clairement les thèmes, il est possible de focaliser le trafic. On perd en visiteurs “globalement”, mais il n’est pas certain qu’on perde en audience. Et surtout, on évite de parasiter certains messages par d’autres, dans un autre registre.
Le changement du week-end
C’est donc ce week-end que la séparation des blogs a eu lieu.
Bien sûr il est toujours facile de jouer les inspecteurs des travaux finis, surtout quand on n’a pas participé, et en plus Laurent a dû faire face à des problèmes liés à des retards dans la livraison du thème du magazine (sous WordPress).
On ne bouge pas comme cela un site ancien de plusieurs années, avec près de 1.200 posts et plus de 15.000 commentaires, et cela après avoir restructuré tous les tags et les catégories dans les semaines précédentes.
Google n’aime pas les déménagements…
Mais je regrette plusieurs choses :
Un magazine lancé sans contenu préparé à l’avance
La décision était de partir d’une base vierge de catégories, et à zéro. Néanmoins, je trouve dommage que le magazine n’ait pas été plus fourni en contenu, dès le démarrage.
Imagine-t-on un nouveau journal se vendant “sans rien” ?
Etant donné les thèmes de fonds, il était possible de mettre quelques articles de Casawaves “au frigo”, pour présenter déjà un contenu.
L’effet de surprise ne joue qu’une fois. Le risque est “je vais voir le magazine, il n’y a pas grand chose, je ne reviens plus”.
C’est vrai pour les lecteurs, c’est vrai aussi pour Google. Bien que la nébuleuse Casawaves bénéficie manifestement d’un bon trustrank, il vaut mieux donner au robot de quoi se mettre sous la dent.
Or sur les trois articles du magazine, deux sont des reprises de Casawaves. L’ancien blog garde donc sa priorité, y compris éditoriale.
Pourquoi le mettrais je dans mon agrégateur, puisque j’ai déjà lu sur Casawaves ?
Un numéro zéro, six ou sept articles suffisent pour donner de la lecture, et aussi pour éviter le duplicate content.
Les pages de tags, comme les pages de catégories, sont en dofollow, doindex. Sur un site aussi jeune et avec seulement une page de contenu original, c’est dommage.
En général, je recommande d’avoir au moins une douzaine de pages de contenu sur un site avant de le lancer. Ici comme on est en sous répertoire, et pas sur un autre nom de domaine, la question de la prime de fraîcheur donnée par Google et de la sandbox ne se pose pas.
Reste l’aspect marketing et transfert des lecteurs.
Une stratégie “nom de domaine” à définir
Le magazine, qui semble être le point fort de Casawaves est dans un sous répertoire. Et il semble que le blog du magazine le sera aussi.
A quoi va donc ressembler dans l’avenir la page d’accueil du nom de domaine ? Où vont être classé les articles sur casawaves.com ? Comment promouvoir le magazine, quand le niveau “racine” est déjà bien occupé ? Que vont devenir les “autres” acitvités, casadream, casawaves.biz, etc ?
Derrière ces questions, il y a plusieurs aspects.
- l’image du site et du magazine déterminée par la page d’accueil et son contenu
- la gestion des backlinks existants, une éventuelle réorganisation avec des redirections pour ne perdre ni l’indexation, ni le jus
- le guidage des lecteurs, personnellement j’aurais bien aimé un fil rss complet mais non redondant, c’est à dire un mash up de l’ensemble des blogs, où, d’une manière ou d’une autre, les cross-posts sont éliminés (c’est très facile à faire sous WordPress).
- la spécialisation du contenu pour le référencement, plus le contenu est ciblé, plus la pertinence des pages augmente, et mieux elles sont placées
- la gestion des sitelinks. Les sitelinks, ce sont ces petits liens qui apparaissent sous le nom d’un site, montrant les principaux “sujets” du site selon Google. Le choix de la page d’accueil, des pages principales des parties du site, etc. permet à la fois d’attirer les internautes, visuellement, et de les envoyer vers les pages les plus utiles. Il faut prévoir l’architecture d’un site, à partir de la page d’accueil, pour arriver à de bons sitelink
L’essentiel de l’activité est toujours sur Casawaves “traditionnel”
Ce week-end, 20 posts on été faits en une journée sur Casawaves.com, qui auraient pu en partie être sur le magazine.
Les lecteurs, pour l’instant, ne se sont pas transportés “ailleurs”, et sur les cross-posts, les commentaires sont toujours sur le blog principal.
On sait que tout changement de maquette, sur un site, s’accompagne d’une petite perte de lecteurs, d’un désagrément pour les habitués à une ergonomie. Il faut donc “pousser” les lecteurs de Casawaves vers le magazine.
Cela va se faire, avec un contenu vidéo plus important, et avec l’arrivée de ces articles originaux, non cross-postés, qui justifient la séparation des blogs.
Le signal de la réussite, c’est, si Laurent garde la structure actuelle de son site, la perte des sitelinks sur le nom de domaine et le contenu à la racine, et l’arrivée en première ligne de casawaves.com/blog/ dans les résultats de Google.
L’absence de signalétique forte sur casawaves.com
WordPress permet facilement de faire d’une page statique la page d’accueil d’un site.
Il était donc assez simple de faire cette nouvelle page, annonçant visuellement d’une façon plus forte le magazine, et reprenant éventuellement les flux rss du magazine, de casawaves.com, voir d’autres blogs de la nébuleuse.
Un petit peu plus technique, mais toujours simple, une catégorie à part, des articles juste pour la homepage, comme par exemple la performance du week-end, et voilà une page d’accueil qui informe, qui aiguille, qui a du contenu… (Laurent, si tu me lis, pour toi, c’est “pas cher” ;) )
Que faire quand on veut faire évoluer son contenu ?
Et qu’on ne bénéficie pas de la puissance de frappe de la nébuleuse Casawaves ?
- penser à l’avance les changements de structure, les éventuelles redirections, et faire un package complet, et fini (en évitant soigneusement les 404 trop nombreuses
- tester sa nouvelle ligne éditoriale et ses nouveaux sujets, et passer du temps dans ses stats Google pour voir si les lecteurs des nouveaux sujets s’intéressent aussi aux anciens, ou si il s’agit de deux clientèles différentes. L’évolution thématique de Casawaves est un très bon exemple de ce qu’il faut faire.
- si les thématiques sont vraiment éloignées, les différencier visuellement, et même par des sous-domaines séparés. En revanche, ne pas trop multiplier les “maisons”, ou alors monter carrément des sites différents, avec des noms de domaines différents
- diriger son linking interne et externe (entre ses différents domaines / sous domaines) de façon à promouvoir les pages essentielles du “nouveau site / nouveau blog”
- expliquer de façon claire – comme l’a d’ailleurs fait Laurent, de façon exhaustive – le pourquoi du comment, et où se trouvent les choses, et mettre à disposition un pavé résumé en sidebar
- garder le rythme pendant trois semaines à un mois, Google n’aime pas les activités anormales
- éventuellement, faire une petite campagne de link building sur les nouvelles pages et les nouvelles ancres
NB : que ce soit sur Casawaves ou sur ses blogs perso, je crois que Laurent n’a jamais parlé de chats, semblable en cela au capitaine avec lequel il partage son prénom !
NB2 : j’ai préféré faire ce cas d’école à chaud, plutôt que dans un mois, quand l’huile aura été mise dans les moindres rouages. Cela permettra à ceux qui sont intéressés de voir en live l’évolution de ce projet, sur lequel Laurent s’est énormément investi, et pour lequel il a encore beaucoup de choses à publier et à nous donner. C’est pourquoi sont flux a échappé à mon “purgatoire” !
Un dossier “purgatoire”. C’est Netvibes, version Dante ? :)
Chez moi il n’y a qu’un cercle :)