La commission Zelnik et la taxe “Google”
La dernière invention en date d’un gouvernement désespérément en recherche de fonds pour remplir des caisses qui étaient déjà vides avant la crise serait donc un retour au statut d’avant la mise en place du marché unique.
Les lecteurs habituels de ce blog étant généralement bien au courant de l’actu geek, on ne fera qu’un tout petit résumé de la chose. Désespéré devant l’évasion de la matière fiscale (suis je la seule à avoir l’esprit mal tourné face à cette tournure ?) Nicolas Sarkozy a demandé que l’on réfléchisse à un moyen de taxer les revenus faits par les grandes régies publicitaires étrangères qui détourneraient l’argent des bonnes entreprises françaises.
Il s’agirait donc d’une taxe et d’une loi visant explicitement certaines entreprises étrangères parce que étrangères. Et quelle que soit la façon dont le législateur déguise cela, l’exposé des motifs fait par le Président de la République est assez clair.
En bref, quand ça va mal, on cède aux sirènes du protectionnisme le plus grossier, “mes euros, mes euros”.
Le problème c’est que ça ne passera pas. Et que si cela devait passer, cela serait catastrophique pour l’état français, donc la tête est en train de changer sa casaque libérale pour une vision administrée de l’économie qui est cella appliquée dans des pays ouverts comme la Chine.
Pourquoi cela ne passera pas ? Parce que, tel quel, et tel que cela doit être mis en place pour effectivement donner toutes ses chances à la régie publicitaire que lance en même temps – quelle coïncidence – le groupe Lagardère, c’est contraire à tous nos engagements internationaux.
- Aux accords de libre-échange régulés par l’OMC, qui font peu à peu baisser les barrières douanières et n’apprécie pas qu’on en monte de nouvelles. Quand on essaie de le faire cela se traduit généralement pas des amendes substantielles, voir des mesures de rétorsion. On a déjà eu tellement de problèmes quand les USA ont interdit le Roquefort et le champagne, à l’époque de la guerre en Irak …
- Aux traités européens, qui interdisent la discrimination contre une entreprise européenne. Or il se trouve que la facturation de la régie publicitaire Google se fait à partir de Google Irlande. Bad luck. Même si il est clair qu’une partie de ces profits remonte aux USA, ils contribuent aussi à l’économie européenne. Et donc à la nôtre.
- A l’ensemble de la fiscalité européenne, qui régit le lieu d’imposition à la TVA et à l’IS des revenus immatériels à l’exportation. On paye l’IS dans le pays d’établissement de l’entreprise, et la TVA doit être payée dans le pays du client. C’est comme ça, et rajouter une taxe supplémentaire n’est pas facile.
Personnellement, je travaillais déjà en 1992. Date de mise en oeuvre du marché unique. J’étais même dans un cabinet de conseil qui se spécialisait dans l’accompagnement des entreprises dans ce domaine. Je me souviens de la satisfaction globale, de la facilitation des transactions qui en a résulté.
La deuxième chose qui me semble bancale, dans cette taxe, c’est qu’elle se focalise sur la “matière fiscale” qui quitte le pays, donc les bénéfices de Google. Mais elle oublie dans le même temps que Google n’étant qu’un intermédiaire, il redistribue les revenus de la publicité aux éditeurs.
Après c’est un simple raisonnement de ‘balance des échanges’ qu’il faut estimer, et qui, me semble-t-il, a été totalement oublié.
En clair, les annonceurs français payent-ils plus que ce que recoivent les éditeurs français ? C’est possible, car le marché des publicités est ouvert, francophone, et il y a sûrement des transferts entre les différents pays francophones. Mais au total, il me parait douteux que les éditeurs touchent beaucoup moins que ce que les annonceurs payent.
La “perte” quand aux revenus de Google est donc compensée par les revenus des annonceurs. Et dans ces annonceurs, il y a énormément de petits webmasters, qui sont en EURL ou même en Auto-Entrepreneur. Il y a là un véritable bénéfice, car une part importante de ces petits entrepreneurs seraient au chômage sans les revenus de la publicité. Or c’est leurs revenus qui sera le facteur d’ajustement si cette taxe passait, les annonceurs n’acceptant pas un surcoût de leurs publicités, et Google préservant ses bénéfices.
Et le pire, dans tout ça, c’est que si cette taxe voyait le jour, elle ne serait sans doute jamais appliquée. Soit par le biais d’un recours devant le Conseil d’Etat (cf. la taxe carbone). Ou bien une contestation devant le tribunal administratif. Avec les délais de traitement, l’appel, on en a au moins pour cinq ans. Bref, une mesure sans effet autre qu’une annonce un peu poujadiste, et dont l’échec serait refilé au prochain président.
Personnellement, installée en Allemagne, cela ne me concerne pas. Et j’ai assez peu de mal à expliquer le pourquoi de mon installation germanique, quand on me pose la question. C’est tellement plus simple d’être un travailleur indépendant de l’autre côté du Rhin…