Pourquoi “Lumière de Lune” ? Et ce logo ?

Calligraphie de Hassan Massoudy

Calligraphie de Hassan Massoudy
(Le commentaire du Révérend a été le coup de pied salutaire pour ressortir cet article qui traine dans les cartons depuis …. 2009)
“Nous étions trois, la lune, mon ombre et moi”, cette phrase, que j’utilise comme slogan du site, je l’ai trouvée un jour en feuilletant un livre superbe, les Calligraphies du Désert de Hassan Massoudy, un très grand calligraphe irakien.
J’aime le désert, j’aime les calligraphies, je suis attirée par la lune… j’avais trouvé le nom de mon entreprise, et son logo en même temps.
La symbolique de la Lune est très différente dans nos pays européens et dans les contrées chaudes où j’ai posé mes valises. De “froide”, elle passe à fraîche. De trompeuse, elle devient au contraire un astre dont la lumière guide les nomades, quand ils traversent le désert la nuit, au coeur de la saison brûlante. En berbère, elle s’appelle “Ayour”, et c’est ne nom que nous avons donné à l’association que nous avons créée (on parle aussi de Tiziri pour le clair de lune). Il y a même un prénom de fille qui est Tammayourt, “plus belle que la lune”.
Chez nous, “face de lune” n’a pas tout à fait une saveur de compliment ! A la différence de la Lune des Tarots, symbole de mensonges et d’illusion, la lumière de la lune berbère révèle le bon chemin, sans avoir l’ardeur meurtrière du soleil. Il n’y est attaché aucun de nos symbolisme de chasteté farouche ou de mort, de Diane tuant Archeon, de jeunes filles séduisant le voyageur pour l’attirer dans les profondeurs d’une rivière…
La lune et sa lumière froide, argentée, c’est aussi le symbole presque trop évident de mon activité de photographe, les grains d’argent d’un procédé en voie de disparition, là je n’ai pas trop besoin de développer.
Je n’ai pas de photo à vous montrer de la beauté du désert sous la lune, mais quand j’ai trouvé cette calligraphie j’avais déjà connu cet émerveillement d’un paysage étrange, d’une clarté presque éblouissante, en pleine nuit, qui obscurcit toutes les étoiles (et en fait, dans le désert, même la lueur des étoiles peut vous guider, quand il n’y a pas de nuages). Et puis la lune et moi c’était aussi une longue histoire d’un voyage un peu étrange, de cinq semaines en Afrique Australe, à travers quatre pays et 11.000 kilomètres, des déserts, des savanes, pour arriver à voir l’éclipse totale de 2001. Cinq semaines à lever la tête chaque nuit, pour guetter le croissant de la lune, pour voir l’oeil rouge du Scorpion, la Croix du Sud, et “regarder monter en un ciel ignoré […] des étoiles nouvelles”.
Ce “L” inversé dans cette calligraphie superbe, la lune, la couleur chaude du désert… j’ai fait mon logo, je l’ai envoyé à Monsieur Massoudy, en lui demandant l’autorisation de transformer son oeuvre, et j’ai reçu très rapidement une réponse à la fois gentille et positive.
Pour la petite histoire, le poème original de Li Po (ou Li Bai) n’a rien à voir avec le désert. Bien que la phrase “telle qu’elle” soit issue d’une traduction de Georgette Jaeger j’avoue être plus séduite par la traduction de Claude Roy, que je vous livre ici :
Un flacon de vin au milieu de fleurs.
Je bois seul et sans compagnon.
Je lève ma coupe. Lune, à ta santé ;
Moi la lune, mon ombre : nous voilà trois.
La lune, hélas, ne boit pas.
Mon ombre ne sait qu’être là.
Amis d’un moment, la lune et mon ombre.
Le printemps nous dit d’être vite heureux.
Je chante et la lune flâne.
Je danse, et mon ombre veille.
Avant d’être ivres nous jouons ensemble.
L’ivresse venue, nous nous séparons.
Puisse longtemps durer notre amitié calme.
Rendez-vous un jour dans la Voie Lactée.Claude Roy
(traduction trouvée chez Beauty Will Save the World)
Comme quoi, on peut à la fois apprécier le spinning et la poésie !
Si tu apprécies la poésie, tu n’es pas totalement “perdue” !
En voila une bien belle image (et je ne parle pas que de la calligraphie !).
J’avoue ne pas avoir beaucoup voyagé, et je n’aime pas vraiment la chaleur, mais d’une manière assez étrange j’ai toujours voulu “visiter” un pays d’Afrique du nord, peut être l’Egypte ou un des pays du Magreb…
Sinon pour la petit conclusion, on peut apprécier le spinning et la poésie, certes, mais spinner une poésie ne donne pas toujours des résultats fameux ! ;)
@Christophe, merci ça me rassure ^^
@TheKud3, il y a un lien pour une agence de voyage au Maroc sur la droite ^^
Dans la traduction de Daniel Giraud (2004), le poème de Li Po a été publié tout récemment dans la collection « L’anthologie du savoir » diffusée par le _Nouvel Obs_.
BUVANT SEUL SOUS LA LUNE
Au milieu des fleurs, un pichet de vin
Buvant seul sans l’aide d’amis
Levant ma coupe, invitant la lune brillante
Mon ombre fait face et nous sommes trois
La lune, finalement, ne sait pas boire
L’ombre suit en vain mon corps
Compagnes d’un instant la lune soutient l’ombre
S’amuser un moment, profitant du printemps
Je chante, la lune erre çà et là
Je danse, l’ombre s’élève au chant final
Un moment dégrisé, ensemble nous nous réjouissons
Après l’ivresse chacun se quitte et se disperse
Unis perpétuellement, faisant route sans amour
Convenons ensemble d’une retrouvaille, lointaine Voie lactée
On a l’impression qu’ils n’ont pas travaillé à partir du même texte !
Autre texte magnifique sur la lune : un poème de Wordsworth intitulé « The Idiot Boy ». C’est l’histoire d’un enfant idiot, qui croit que la lune est sa mère. Les critiques ont unanimement fustigé l’inanité de l’argument, mais moi je le trouve très beau, ce poème.
C’est je crois tout le charme et la difficulté de la traduction de la poésie, avec un choix du traducteur très large, du “mot à mot” à l’impression poétique. Par ailleurs, le chinois est une langue éloignée de la nôtre, les références culturelles ne sont pas les mêmes…
La traduction que vous avez mise ici est superbe. Elle n’a que le défaut de ne pas avoir “ma petite phrase”, mais elle est, des trois quatre versions que j’ai lues jusqu’à maintenant, la plus belle.
Je suis allée voir le texte de the Idiot Boy… je sens que je vais le relire lentement, en le savourant !
Un grand merci pour ce triple partage: Li-Po, Hassan Massoudy et une partie de ton âme; je suis conquis par les trois :)
Je ne m’étais jamais interrogé sur la différence de perception concernant la Lune. Irrémédiablement associée au lycanthrope en occident, elle y est un symbole de terreur et de folie. La peur de l’inconnue est t-elle plus prégnante dans nos contrées? J’ai l’impression que les peintres orientalistes que j’affectionne, comme Jean-Léon Gérome, ont représenté ces magnifiques contrées mais toujours dans une vision solaire , jamais lunaire. À vérifier. Je n’ai plus qu’à retourner dans mes lectures mythologiques et théologiques pour chercher des pistes. Babylone, j’arrive!
As-tu déjà réussi à écrire à l’encre de Lune ou à prendre des photos imprégnées de cette beauté? Y parvenir doit être une sensation unique; comme capter l’essence du monde?
Concernant la traduction, quel exercice subtil et harassant. René Sieffert a traduit “Le dit du genji”, un des fleurons de la littérature japonaise. Il a écrit une longue préface concernant ce travail, de nombreuses pages étant dédiées… au titre. “Genji monogatari” est le nom d’origine et il explique bien combien ce seul aspect fut sujet à de longues réflexions. Fallait-il écrire “les chants du genji”? “les contes du prince”? etc. Ce travail demande de réelles qualités littéraires. Qui d’autres qu’un baudelaire, par exemple, aurait su s’attaquer aux œuvres de Poe?
Un auteur comme Yukio Mishima a réglé le problème en validant lui même les traductions faites en anglais et en demandant à ce que les traductions dans les autres langues soient faites à partie de ces dernières.
En tout cas, bien que scientifiquement se soit un astre mort, la Lune est bien vivante en nous et nous éclaire même en pleine journée :)
Les photos “de lune” sont extrêmement difficiles, car bien que la lune soit très lumineuse, le paysage ne l’est quand même pas beaucoup. Bref, pour parler technique la différence de zizo est telle que pour l’instant les photos de nuit noire ne rendent pas bien ce qu’on y ressent.
Mais j’y travaille, tout en aimant qu’il y ait des choses qu’on ne puisse pas photographier.
Je doute que les orientalistes aient peint ce genre de paysage, alors qu’ils venaient dans ces pays pour le choc violent des couleurs. Il faut une acclimatation longue pour se départir de l’oeil “voyageur” et prendre l’esthétique du pays.
Une grande traductrice, un peu oubliée aujourd’hui, c’est Marguerite Yourcenar. En plus des poèmes grecs, sa traduction de The Waves de V. Woolf est un exploit de “transportation fidèle”
Bon demain, série de photos de lune ^^
Très intéressant ces explications, j’ai beaucoup aimé le problème également.
La lune guide les nomades lorsqu’il n’y a pas de soleil… Achetez leur des boussoles c’est fait pour.
J’ai déjà entendu parler du désert la nuit, il parait que c’est absolument à pleurer, il parait qu’on à jamais vu un ciel étoilé aussi beau que dans le desert, en plus compte tenu de la latitude on est “plus près” des étoiles, ce qui doit leur donner une immensité tout à fait différente de ce que l’on voit en europe du nord. Il faudra que je fasse le voyage un de ces jours. Votre logo est très très joli.