Facebook en Allemagne, et en allemand

La protection de la vie privée est un sujet extrêmement sensible en Allemagne, qui est sans doute l’un des pays plus plus stricts sur ce sujet en Europe. Raisons historiques à cela, à la fois pour l’ex-Allemagne de l’Ouest, et l’ex-Allemagne de l’Est, avec les fichiers monstrueux constitués par la police politique.
Et le bouc émissaire en ce moment semble être Facebook. La question est donc : peut-on se passer de facebook dans sa stratégie web quand on communique en Allemagne ? En allemand ?
Facebook est très peu utilisé en Allemagne
Le taux de pénétration est environ la moitié par rapport à la France, la Suisse et l’Autriche
(en millions) | Population | Inscrits Facebook | Tx pénétration |
Allemagne | 82 | 6,9 | 8,4 % |
---|---|---|---|
France | 65 | 14 | 21,5 % |
Suisse | 7,7 | 1,8 | 23 % |
Autriche | 8,4 | 1,5 | 17,8 % |
Sources : Wikipedia et Facebook (préparation d’une campagne publicitaire).
L’importance stratégique de Facebook est donc totalement différente, que l’on s’adresse à un public allemand, ou germanophone.
Une mauvaise image de marque en général
Quand j’ai commencé à parler de Facebook autour de moi en Allemagne, la réaction était “qu’est ce que tu fais là, je n’irais jamais m’exposer, et comment je fais si un collègue que je n’aime pas veux être mon ami ? “, une méfiance généralisée, et une méconnaissance profonde du rôle que Facebook peut avoir dans la gestion d’une communauté, ou dans l’acquisition de trafic.
Mes amis allemands qui comprennent le français et lisent ce site ne sont jamais allés sur mon profil Facebook, et ceux d’entre eux qui en ont un sont très rarement actifs. (J’estime leur fréquence de passage à 3 à 4 fois par mois).
Les réseaux sociaux sont en général perçus comme peu utiles, à l’exception des réseaux fermés, comme LinkedIn, ou Xing, et plus comme un amusement – dangereux – pour adolescents encore boutonneux que “the place to be”.
Relativement peu de “geeks” sur Facebook
Ayant travaillé quinze ans dans le groupe Bertelsmann, et les six dernières années dans la gestion de projets informatiques, la plupart de mes relations professionnelles sont fortement liées aux mondes des médias et/ou de l’informatique, or je ne les trouve pas sur Facebook.
Après avoir commencé à “tirer le fil de la pelote”, pour constituer un réseau, j’ai même le sentiment – pas appuyé par une véritable statistique – qu’une forte proportion des utilisateurs de Facebook en Allemagne sont issus de l’immigration, donc culturellement moins marqués par ce souci de la vie privée, et aussi plus habitués au web en tant que facilitateur de contacts à longue distance.
En tout cas, la proportion de mes anciens collègues français sur Facebook, et surtout le nombre de référenceurs présents et actifs dans mes “amis” dépasse largement le nombre d’allemands, et je connais pas mal d’agences de référencement qui n’ont même pas de page Facebook.
La mise à jour des conditions d’utilisation de Facebook fonctionne comme une alarme
Une pression très forte contre Facebook, vers le boycott
Cela commence fin mars, avec, (en tout cas pour moi) un article très critique sur la nouvelle politique de Facebook, qui va “transmettre automatiquement les données utilisateurs”, sur Internet World, avec un lien vers les nouvelles conditions d’utilisation.
Et aujourd’hui, sort sur le web français l’info d’une “croisade allemande” contre Facebook, comme le titre 20Minutes. Avec une lettre de la ministre de la consommation allemande, demandant à Facebook de protéger par défaut les données utilisateurs, et non l’inverse (données devant comme aujourd’hui être protégées par un paramétrage volontaire), et un appel au boycott de plusieurs associations de consommateurs.
Facebook ist tot, Facebook est mort
C’est le commentaire de mon associée allemande, en lisant cet article, alors que je venais juste de la convaincre de lancer une opération sur Facebook pour un de nos clients, et que, une semaine après, cette opération a un retour très satisfaisant.
Facebook entre la forme et le fonds
Sur le fonds, Facebook ne fait pas pire que les autres grands réseaux sociaux “ouverts” (de type Orkut, par exemple, ou les plate-formes de blog historiques comme Skyblog, ou même Flickr), et les problématiques de confidentialité à l’ouverture de Google Buzz sont du même niveau.
Sur le fonds, pour celui qui veut s’en donner la peine, (mais qui lit jamais les conditions d’utilisation et les petits caractères en détail ?), Facebook est maintenant un des sites qui explique avec le plus de détails ce qu’il fait avec vos données, et comment vous pouvez les protéger, avec une première page très complète sur la confidentialité sur Facebook, et surtout une page extrêmement détaillée sur la politique de confidentialité qui donne aussi de nombreuses informations plus générales et permet, même, par ricochet, de se protéger mieux sur d’autres sites. Enfin, Facebook a mis en place une “Page Facebook Security” dont vous pouvez devenir fan… pour promouvoir sur votre mur la sécurité de vos données.
Sur la forme, on pourrait presque dire, effectivement que “la confidentialité m’a tuer”, quand Marc Zuckerberg a essayé de détruire totalement le contrat implicite qui le liait à ses utilisateurs, en proclamant que le contexte social avait changé, et que tout était désormais transparent (vrai en partie, les ados exposent plus volontiers certains aspects de leur vie que leurs parents, mais globalement faux). Et je vous renvoie à cet article de ReadWriteWeb où Kaliya Hamelin se demande si on peut encore parler de vie privée sur Facebook, tandis que Stéphanie Booth fait un inventaire des mesures à prendre pour préserver sa vie privée.
Peut-on oublier Facebook pour un site en allemand ?
Définitivement, non.
Maintenant, la bête est à manier avec plus de précautions qu’en français.
Les apports de Facebook
8% de la population est, quoi qu’il arrive, un potentiel que l’on ne peut pas se permettre de négliger.
8% cela représente un mois de chiffre d’affaires par an.
Maintenant, comme pour toute action de génération de trafic, il faut d’abord vérifier que Facebook permet bien de s’adresser à la cible. Et en général, Facebook est tout à fait pertinent pour les publicités locales (c’est ce que nous avons remarqué sur notre campagne en cours, ciblée sur un territoire d’environ une centaine de kilomètres carrés, avec un fort taux de clics, et un fort taux de conversion, mais ce n’est qu’un début, et les résultats seront publiés dans un mois).
Facebook a aussi été l’occasion de toucher directement des clients potentiels, par le réseau, et j’ai tendance à penser que dans un contexte peu concurrentiel parce que peu fréquenté, il est plus facilement de toucher beaucoup de monde.
Les risques de Facebook
Le premier risque, c’est d’associer la mauvaise image du réseau au site que l’on veut promouvoir.
Nous avons donc annoncé de façon soft la page Facebook dans la newsletter et sur le site, mais nous n’avons pas envoyé directement d’invitations par mail à nos clients.
Nous avons aussi précisé que ce n’était qu’un moyen de communication comme un autre.
En même temps, la page est alimentée avec du contenu non-directement promotionnel, de l’information, des photos, qui sont liées au site. Elle est renforcée aussi par des liens vers d’autres groupes dans la même thématique bio.
Le site du client étant relativement statique, sans blog par exemple, il y a donc un vrai contenu supplémentaire intéressant sur cette page.
Et dans un deuxième temps, en fonction des réactions, nous envisageons de proposer localement des formations sur la protection de sa vie privée, et l’utilisation de Facebook, d’une ou deux heures.
L’Autriche et la Suisse sont sur Facebook
A partir du moment où une entreprise veut toucher une clientèle germanophone, et pas seulement allemande, la question ne se pose même plus.
L’office du Tourisme autrichien s’offre par exemple une énorme campagne publicitaire avec des cahiers rédactionnels de 44 pages dans les magazines allemands. Sur chaque page, les sites internet, bien sûr mais aussi les pages Facebook.
Tout particulièrement, les pages où les “gens de la rue” témoignent et parlent de leur pays renvoient au site de l’office de tourisme, et à la page Facebook de la personne
Ist Facebook tot ?
Vraisemblablement non.
Son développement restera moindre en Allemagne que dans beaucoup d’autres pays européens, mais une entreprise et un référenceur allemand ne peuvent pas se passer de Facebook.
La communauté continuera donc, d’un point de vue professionnel, pour “nous”, les référenceurs, comme un canal secondaire, mais un canal qu’on ne peut pas se permettre d’oublier.
Pour très bien connaitre l’Allemagne et la culture allemande, je ne peux qu’approuve l’article. Les allemands voient la protection de la vie privée d’un autre oeil que les français, cependant, il serait suicidaire de négliger l’impact de facebook, même s’il est moindre qu’en France ou aux USA. Les allemands sont plus sensibles à des réseaux comme twitter, plus ‘impersonnels’ mais aussi plus directs. Les marques s’en rendent compte et créent de plus en plus de CM sur le twitter allemand!