Copyright, droits d’auteurs et Internet
Ayant reçu cette semaine des réponses extrêmement farfelues à mes mails indignés aux gens qui piratent mes images et mes textes, ayant vu aussi des questions régulièrement sur les forums, avec des réponses tout aussi farfelues, je propose ce récapitulatif de la législation sur les droits d’auteurs, ou copyright, en France, dans le monde, et en particulier sur internet.
Les droits d’auteurs sur internet sont soumis au régime commun
Il n’y a pas de tolérance spéciale pour Internet, pas d’autorisation particulière. Il peut y avoir à un moment ou à un autre un “laisser-faire” parce que la violation des droits d’auteurs ne gêne pas trop l’auteur, mais cela ne constitue en aucun cas une autorisation.
Ce qui veut dire que si un site utilise semble t il sans autorisation un texte, une musique, une image, ou sans citer son auteur, cela ne vous autorise pas à en faire autant. En clair, et en termes de droit habituel, on ne peut pas se prévaloir de la faute d’un autre pour excuser la sienne, et nul n’est censé ignorer la loi, en l’occurrence que les oeuvres de l’esprit sont protégées.
Le droit d’auteur n’a pas besoin d’être déclaré pour exister
En clair, à la différence d’une marque, d’un brevet, une oeuvre de l’esprit est automatiquement protégée, pas besoin de la déclarée à un organisme, pas besoin même de la signer pour qu’elle soit protégée.
Les deux seules conditions pour qu’une oeuvre soir protégée, et qu’on ait le droit d’exercer son droit d’auteur sont :
- d’en être l’auteur
- que ce soit une oeuvre originale
Donc en pratique, pour prouver qu’on est l’auteur d’une oeuvre, cela peut être utile de la déposer, et c’est à cela que servent SACEM, SACD, enveloppe Robinson et autres moyens
uniquement à prouver l’antériorité en cas de contestation.
C’est donc totalement différent de la propriété industrielle, où le dépôt du brevet est une condition de la protection.
Cela veut dire aussi que tout ce que vous trouvez sur internet est a priori une oeuvre de l’esprit, protégée, même si le nom de l’auteur n’est pas indiqué et c’est à vous de retrouver l’auteur pour lui demander l’autorisation d’utiliser son oeuvre.
“Non signé”, “non copyrighté” ne veut pas dire libre de droits. Quelque chose est libre de droits uniquement si c’est clairement indiqué, ou si c’est tombé dans le domaine public.
Le droit d’auteur recouvre deux notions distinctes.
Il y a le droit moral et le droit patrimonial.
Le droit moral c’est le droit à ne pas voir son oeuvre déformée, mal utilisée, détruite, saccagée
Il est incessible, et imprescriptible. En clair, tant que l’auteur est vivant, il garde ce droit moral, il peut (sous réserve de conditions contractuelles) vous interdire l’utilisation de son oeuvre dans un cadre qui lui déplait. Quand l’auteur est mort, ce droit ne disparait pas, il se transmet à ses héritiers (y compris l’état). Donc si vous avez un tableau et que vous décidez de le détruire, en théorie, vous pouvez être poursuivi. En pratique, sauf s’il s’agit d’une oeuvre importante (et dans ce cas vous êtes un peu fou), ce risque est minime.
Le droit patrimonial, ce sont les sous. C’est ce à quoi on pense le plus souvent quand on parle de droits d’auteur, la rémunération du travail de l’artiste. Ce droit est cessible, c’est ce qu’on fait tout les jours quand on vend une photo ou un livre à un éditeur, et il cesse 70 ans après la mort de l’auteur (ou la mort du dernier auteur vivant pour les oeuvres collectives).
Donc en pratique, vu les dates récentes d’internet, des appareils photos numériques, etc
encore une fois, tout ce que vous trouvez sur internet a une chance plus que raisonnable d’avoir des droits patrimoniaux attachés. Et donc en utilisant cela sans payer ces droits, vous lésez quelqu’un.
Ce quelqu’un ne le sait pas peut être, mais cela ne change rien, vous avez pris quelque chose pour lequel vous auriez dû payer. Concrètement, c’est du vol.
Citation et “fair use”
Il est néanmoins possible de citer une oeuvre. En France, en Europe, c’est le droit de citation. Il est limité, strictement :
- L’extrait doit être aussi court que possible. Une phrase, deux phrase, si vous citez deux pages d’un livre sans autorisation, vous dépassez le cadre du droit de citation.<:/li>
- L’extrait doit servir à illustrer un propos, une démonstration. Donc une collection de citations de paroles de chanson, par exemple, sans analyse, sans rien, est une violation du droit d’auteur.
- En conséquence, on peut dire que la taille du texte cité doit être faible par rapport à votre texte. 1% ça va, 20% bonjour les dégâts
- Le nom de l’auteur et la source doivent impérativement être indiqués à côté de l’oeuvre citée
- En ce qui concerne la musique, la jurisprudence semble bouger un peu, mais en gros, sauf dans le cas d’oeuvre de musicologie, la citation même courte n’est pas autorisée. Le plagiat est “traditionnellement” reconnu au-delà de 6 à 8 mesures identiques, mais si vous mettez 5 mesures d’une musique sur votre site, il s’agit d’une citation, et il y a eu de nombreux arrêts de jurisprudence rejetant la possibilité de citer une musique.
- Les images ne peuvent pas être citées. Ce qui est assez logique : “un extrait” d’une image est une dénaturation totale de l’oeuvre (et une atteinte au droit moral), et si on montre une image ou une photo dans son intégralité, on dépasse le cadre de la citation.
Pour résumer, il est possible de citer de courts extraits de texte uniquement à condition qu’ils soient utiles ou nécessaires à la compréhension de votre texte, et que l’auteur soit cité. Il est impossible de “citer” des images, il est dangereux de citer de la musique.
Les Etats-Unis ont développé un concept un peu différent : le fair-use. Il recouvre le principe de la citation, et l’élargit. En gros, si l’oeuvre que vous utilisez est absolument nécessaire à votre propre texte, et que vous n’avez pas pu trouver aucune autre image, aucun autre texte, aucune autre musique pour remplacer, vous pouvez alors l’utiliser. Mais
comme c’est un droit américain, cela ne s’applique qu’aux oeuvres d’artistes américains. Donc, encore une fois, face à une photo non signée, n’espérez pas vous en sortir avec le fair use : vous devez savoir si le photographe est américain pour vous permettre de l’utiliser.
Par ailleurs, le fair use ne s’applique pas aux utilisations commerciales.
Open Source, CCL, etc
La mise en place d’internet, la facilité de copie des oeuvres, la volonté de diffuser le plus largement possible des outils ont conduit à la création de type de licences spécifiques, “ouvertes” : on parlera de logiciels en Open Source, de Creative Common Licence, etc (je rassemble ici des choux et des carottes, mais la philosophie reste le même). Quand quelqu’un diffuse son oeuvre sous Creative Common, il ne renonce pas à ses droits (rappelez vous le droit moral est incessible, imprescriptible, etc ), il explique simplement clairement qu’il donne à tous licence d’utiliser son oeuvre, de la reproduire, de la modifier, sous un certain nombre de conditions qui sont détaillées dans la licence elle-même (il y a plusieurs types de licence Creative Common, plus ou moins restrictives, notamment en ce qui concerne l’utilisation commerciale), mais sauf exception, le principe est que l’oeuvre résultante doit elle aussi être en Creative Commons, et que l’auteur doit être cité. Plus de détails sur le site creativecommons.org
Et les programmes dans tout ça ?
Les programmes informatiques sont une oeuvre de l’esprit. Donc tout bout de code “original” ne peut pas être copié. Les interfaces de sites, les css, les javascripts, les scripts php, bref tout ce qui est accessible parce qu’il n’est pas possible d’en interdire l’accès, c’est le principe de base d’internet, n’est pas libre. Il y a suffisamment de sites diffusant des programmes, des scripts mis à disposition par leur auteur pour s’abstenir de recopier le bout de code qui plait bien sur un site sur lequel on surfe. Ou alors demandez l’autorisation
ça fait tellement plaisir qu’on ne vous la refusera pas.
Une interface graphique, une intégration, une structure de base de données, tout ça ce sont des oeuvres de l’esprit.
Ce qui n’est pas légal, par exemple
- Reprendre une partie d’un site internet ou d’un blog dans un aggrégateur, sans l’accord de l’auteur : il faut se limiter au droit de citation et avoir AUSSI du contenu propre. Si on va plus loin, ça peut devenir aussi des techniques pas très propres de reférencement.
- Prendre un truc qui traîne sans nom d’auteur : c’est votre responsabilité à partir du moment où vous utilisez quelque chose, de vous assurer que c’est bien libre de droits
- Reprendre une photo ou une icone, changer une couleur, recadrer légèrement : ça ne suffit pas pour en faire une oeuvre originale
Traduire un texte et l’utiliser cette traduction sans autorisation : bien que la traduction soit en elle même une oeuvre protégée, comme elle est faite “à partir” d’une autre oeuvre, elle doit être autorisée
Enlever la licence CC ou tout ou partie des mentions obligatoires liées à cette licence
Et si vous avez envie d’en savoir plus il y a l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle.
Comme je l’ai dit sur le blog de gonzague, il est absurde de s’attacher a ce genre de chose. Si vous avez besoin d’êtres reconnue, faites vous connaître, les voleurs auront toujours un temps de retard sur la création. Sauf s’ils sont meilleurs et que vous leur fournissez l’inspiration. Est-ce un mal ?
Après, vous en faites ce que vous voulez, mais je pense qu’il faut arrêter un instant de s’accrocher a des principes mytheux qui n’ont aucun avenirs. Le plagia existe depuis que l’écriture existe, les grands auteurs ce sont pourtant fait un nom. Et certain grâce a ses plagias justement. De grand compositeurs ont utilisés des lignes & des idées de partitions pour créer leur oeuvres, est-ce un mal ?
Trouvons juste un nouveau système, parce que sans tomber dans l’excès il est normal que l’auteur de quelque chose soit reconnu.
Vous êtes bien gentil, mais vous ne semblez pas comprendre la problématique.
Alors un peu de lecture, je vous renvoie à l’onglet “copyright” en haut à droite.
La chose se regarde de deux angles :
1. le point de vue du photographe, quand une de mes photos coure sur le net, quand je la vois en grand affichée dans un hôtel, quand je la retrouve sur une brochure d’hôtel, c’est tout simplement du vol.
Et cela lui fait perdre de la valeur.
Vous n’êtes peut être pas au courant, mais une photo exclusive se paye beaucoup plus chère qu’une photo que d’autres personnes utilisent. Donc une photo qui “coure partout” n’est plus vendable.
2. Du point de vue de mes clients, qui acceptent de payer pour des photos originales, d’investir dans un site internet, dans un photographe, et voient ensuite d’autres personnes faire exactement le même site qu’eux, mais sans en supporter le coût la concurrence est faussée, et la prochaine fois ils vont se demander à quoi sert d’être honnête.
Vous me dites de me faire connaitre ? Merci c’est gentil, je n’ai pas trop de problèmes à trouver des clients, ça va bien de se côté là. Mais comment se fait on connaitre aujourd’hui ? Par internet.
Mais bon, le jour où vous aurez bossé plusieurs mois pour faire quelque chose, et qu’on se l’appropriera sans même reconnaitre que vous l’avez fait, on en reparlera.
Alors on peut en reparler immédiatement. Je ne vous juge pas, faites de même…
!!! Ce qu’on peut lire… Je m’en tiendrai juste à ce commentaire, aussi “miteux” que soit mes principes aussi : le vol c’est pas bien tout simplement.
Quand quelqu’un me dit que je n’ai qu’à laisser faire les gens qui pillent mon travail, et qui eux en profitent pour faire de l’argent avec, je me dis qu’il n’a pas tout compris.
Ce n’est pas un jugement, c’est une explication raisonnable…
C’est personnellement un principe miteux auquel je suis attaché. Vous parlez monsieur Korki d’un moyen de se faire connaitre. Et bien, il va alloir falloir m’expliquer comment on peut se faire connaitre avec des images sans crédit photo. Parce que personnellement, quand je vois une image sans crédit, je suis bien incapable de dire qui l’a faites. Je suis d’accord avec vous que le vol a toujours existé, mais en s’est toujours indigné. Je vois pas pourquoi Internet change la donne.
Quelqu’un qui vole sur internet est vu comme un mec qui ne fait rien de mal voir même souvent quelqu’un de super cool, quelqu’un qui vole une pomme à l’étalage parce qu’il a faim part en prison. Je crois que nous avons un problème de valeur…
Chris, je suis totalement d’accord avec toi.
En fait ça devrait être l’inverse….
En fait Korki vient d’un autre blog, ou un jeune étudiant expliquait “je vole pas, je vois juste si j’ai envie d’acheter quand je télécharge la musique”… ce qui est bien sûr tout à fait normal, y’a pas de bornes d’écoute dans les magasins !
Merci Marie-Aude pour cet article clair et concis ; le “vol” (ou l’emprunt diront certains) de photos est une véritable plaie pour les auteurs.
Je n’ai jamais été opposé à l’open source, et j’y ai même un temps contribué (je suis développeur de métier). Je ne rechigne pas non plus au partage, et d’ailleurs les blogs sont sources de partages.
Mais je dois dire que je pense vraiment que les “licences” Creative Common et autres contribuent malgré elles à favoriser le “vol” des oeuvres, en particulier les images et photos, sur le web.
Aux yeux de certains, le simple fait de diffuser une photo sur le web en fait une oeuvre “partagée”. Ce qui n’est pas le cas.
Perso si le site est “officiel” et français, je facture. Sinon je négocie soit un backlink + citation de l’auteur (art. 121-1 du CPI), soit l’enlèvement immédiat de la photo. En cas de non réponse, je contacte directement l’hébergeur du site… et généralement c’est très efficace !
Oui, contrairement à ce qu’on disait sur WRI l’hébergeur est un bon moyen.
Sur un site je suis même passée à la dénonciation adsense, en l’absence de tout autre moyen….
Je ne sais pas si ce sont les creative common qui favorisent cet état d’esprit ou si elle sont au contraire une tentative de réponse. Les gens qui sont au courant des CC généralement respectent le droit d’auteur, les autres n’en ont rien à foutre tout simplement.
Merci de ton passage :)