Les politiques français et l’internet
On passera sur la proposition du sénateur Masson contre l’anonymat sur internet (si vous voulez savoir pourquoi c’est à la fois idiot, mal et stupide…. l’avis éclairé d’un juriste, et pensez à signer la pétition pour le droit à l’anonymat.
On passera aussi sur les propositions de la Commission pour la Terminologie, qui voudrait que nous appelions un proxy un serveur mandataire, et un pop-up une fenêtre intruse.
On s’arrêtera sur le site elysees.fr , que je suis allée voir suite à la revue “wtf” de Laurent Bourelly (où j’ai aussi trouvé les deux flops précédents… tout le monde en parle).
La page sur les informations légales vaut son pesant de cacahuètes.
Une conception peu claire des droits d’auteurs
Je toussote d’abord gravement à la lecture du chapitre Droits d’auteur @copyright Liens (titre très peu français, d’ailleurs, et dont la commission de terminologie pourrait s’inquiéter).
Les documents “publics” ou “officiels” ne sont couverts par aucun droit d’auteur (article L.122-5 du Code de Propriété intellectuelle) et peuvent donc être reproduits librement. C’est le cas notamment pour les discours et interventions du Président de la République et les communiqués.(*) Les informations utilisées ne doivent l’être qu’à des fins personnelles, associatives ou professionnelles; toute utilisation à des fins commerciales ou publicitaires est formellement interdite. La reproduction des documents sur support papier ou sous forme électronique doit obéir aux principes suivants:
* gratuité de la diffusion;
* respect de l’intégrité des documents reproduits (aucune modification, ni altération d’aucune sorte);
* citation explicite du site http://www.elysee.fr comme source et mention que les droits de reproduction sont réservés et strictement limités.
Tous les autres contenus présents sur le site sont couverts par le droit d’auteur. Toute reprise est dès lors conditionnée à l’accord de l’auteur en vertu de l’article L.122-4 du Code de la Propriété Intellectuelle.
Je vais vous le refaire en plus court. “Les documents publics sont libres, sans aucun droit d’auteur, mais j’interdis à quiconque (au nom de quel droit?) d’en faire une reproduction à des fins commerciales ou publicitaires”. Les journaux, donc, n’ont pas le droit de reproduire un document totalement libre de droits, puisque leur diffusion n’est pas gratuite.
La citation, qui serait une modification du document, est elle aussi interdite.
Les droits de reproduction sont réservés et limités.
Mais…il se trouve que les droits de reproduction sont une des composantes des droits d’auteurs. Comment peut-on réserver et limiter une reproduction d’un texte sur lequel on n’a aucun droit ?
La suite n’est pas mieux :
Cette autorisation ne s’applique en aucun cas aux sites internet diffusant des informations à caractère raciste, pornographique, xénophobe, polémique ou pouvant, d’une façon générale porter atteinte à la sensibilité du plus grand nombre.
J’ai mis polémique gras, car je trouve cela très grave. En clair, le webmaster interdit la citation des discours du président de la République aux sites polémiques (car la citation est possible à condition d’indiquer la source) . Quel meilleur moyen de s’assurer l’approbation ?
Mais tout cela n’est sans doute qu’un cafouillis juridique, puisque pour celui qui aurait eu le courage d’aller en bas de la page, un autre texte contredit ces deux premiers :
lorsque l’æuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire la diffusion, même intégrale, par la voie de presse ou de télédiffusion, à titre d’information d’actualité, des discours destinés au public prononcés dans les assemblées politiques, (…), ainsi que dans les réunions publiques d’ordre politique et les cérémonies officielles”. Les discours du Président de la République s’apparentent à une exception au droit d’auteur. De même, les documents “publics” ou “officiels” tels que les communiqués officiels de la Présidence de la République ne sont couverts par aucun droit d’auteur, et peuvent en conséquence être reproduits librement. Si la reprise de ces contenus de façon partielle ou intégrale est autorisée, elle doit être obligatoirement assortie de la mention du nom de l’auteur, de la source, et éventuellement d’un lien renvoyant vers le document original en ligne sur le site. La mention “site de la Présidence de la République” devra donc être indiquée.
Et les liens profonds, ils sont en fenêtre intruse ?
Ce n’est pas le pire. on sera saisi d’un sentiment assez étrange, un mélange entre une énorme envie de rire, et une très grande fatigue, voir même une sorte de désespoir, à l’idée que ces gens là sont finalement responsables de l’orientation des lois et donc de nos (dés)avantage compétitif dans la compétition mondiale.
C’est aussi fort que Christine Albanel expliquant qu’un pare-feu était livré avec OpenOffice.
Le site de la Présidence de la République autorise la mise en place de liens hypertexte pointant vers ses pages, sous réserve de :
* ne pas utiliser la technique du lien profond, c’est-à-dire que les pages du site www.elysee.fr ne doivent pas être imbriquées à l’intérieur des pages d’un autre site, mais visibles par l’ouverture d’une fenêtre indépendante;
Oui, vous avez bien lu, le webmaster d’elysee.fr confond iframe et lien profond.
Edit : il semble que le cafouillis sur les droits d’auteurs soit commun à plusieurs sites français, on le retrouve sur celui de l’Assemblée Nationale et du Sénat, ainsi que le montre cette note sur le blog Silex : L’assemblée nationale est sous licence CC
Franchement, lire des trucs comme ça me conforte d’avoir quitté la France.
Grave quand même!
PS : merci pour la citation
De rien :)
Je ne suis pas sûre que ça soit beaucoup mieux ailleurs, en fait. Moins gênant peut être ^^